Je ne vois plus mes rêves

Voici un poème sur la dépression, le mal-être, le désenchantement, la peur, la nuit noire de l’âme, la solitude, l’horreur et malgré tout, l’espoir de vivre.


Je ne vois plus mes rêves,

Je suis endormie pourtant.

J’ai beau ouvrir mes yeux en grand,

Voilà qu’ils sont tâchés par mes larmes de sang,

Tandis que je tâtonne sans fin dans le vent.

Peut-être que si je rêve à l’envers,

La lumière ne sera plus étrangère.

Peut-être que si j’accepte un amant, dans mon lit, près de moi,

Les couleurs de mes songes brûleront, excitées par nos émois.

Je n’arrive plus à voir mes rêves,

Et pourtant j’ai si peur du noir,

Perchée en haut de ma tour d’ivoire.

J’ai peur de ce qui viendra après le noir, après la peur, après la sueur, après la douleur, 

Lorsque mon âme aura éprouvé tout ce qu’elle peut endurer.

Je suis seule, emmurée dans ma tristesse opaque,

Mes pupilles sont trouées, effacées, dérobées.

La souffrance est un art comme le reste, et je m’y révèle particulièrement douée.

La langue pendue, la bouche mordue, je vais ondulante, sensuelle, rencontrer les ténèbres,

Puissent-ils être plus doux et plus aimants que mes amants d’antan.

Je sens une langueur cogner contre la porte de mon cœur,

J’agrippe la chair de mon sein qui palpite dans la rancœur.

J’entends les étoiles tomber sur cette terre carbonisée,

Alors que le serpent sordide gonflé d’orgueil se tortille langoureux,

Par sa caresse empoisonnée, je livre mon dernier râle de plaisir douloureux.

Dans ce monde sans raison, ignorance innocente, avenir sans joie,

Je rêve d’être belle et de trouver mon Roi.

Une Reine, peut-être, aux cheveux noirs d’ébène,

Au creux de l’oreille du hasard, sur la peau de ce cou livrée à mon désir avare, je lui chuchoterais,

Dis-moi, dans quelle langue tu rêves toi? 

Franchement, je ne sais pas…

Je lui dirais où me trouver, là je l’attendrais,

Dans cette nuit dévorée d’espoir, éclairée par une bougie à demi consumée.

Je me cacherais dans les veines de la lune, drapée de braises et de plumes.

Je serais au bras des ombres, bohémienne dansante les yeux bandés dans la brume.

Je peux te confier un secret?

J’ignore quand l’aube viendra, mais lorsque son feu brûlera, je rêve de me réveiller, aveuglée par la beauté de la clarté. 

Je ne vois plus mes rêves.

Et toi, dis moi, qu’est-ce que tu vois?

Camille Pellicer Octobre 2022

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